L’UE devait interdire les voitures thermiques en 2035 mais l’Allemagne a obtenu un accord autorisant l’utilisation de carburants de synthèse pour ces véhicules.
Les moteurs thermiques ne disparaîtront finalement pas des automobiles en 2035. Car ils pourront être remplis avec un nouveau type de carburant, dit « de synthèse ». Pour atteindre son objectif de neutralité carbone en 2050, l’Union européenne a acté dans son plan climat l’interdiction pour les voitures neuves d’émettre du CO2 à partir de 2035, signant la fin des carburants traditionnels que sont l’essence et le diesel, au profit des voitures électriques.
Mais l’Allemagne a fait pression et imposé in extremis, le 28 mars dernier, lors d’un vote des ministres de l’Energie européens, l’autorisation, après 2035, des carburants de synthèse. Ce « compromis » de dernière minute pose la question de la viabilité et de l’efficacité réelle de ces e-carburants, ou e-fuels dans la lutte contre le changement climatique.
De quoi s’agit-il ?
Un carburant de synthèse désigne en l’occurrence un carburant produit à base de CO2 et d’hydrogène bas carbone. Ce dernier est fabriqué par électrolyse de l’eau, un procédé qui, à l’aide d’un courant électrique, décompose l’eau en dioxygène et dihydrogène gazeux.
Le monoxyde de carbone obtenu à partir du CO2 capturé est ensuite combiné avec l’hydrogène en utilisant le procédé Fischer-Tropsch. Pour que ce carburant soit considéré comme bas carbone, le carbone utilisé doit être extrait des activités industrielles et déchets, ou bien capté directement dans l’atmosphère.
Mais comme le rappelle la docteure en chimie spécialiste des ressources renouvelables Aurore Richel, le terme « carburant de synthèse » désigne en réalité une grande diversité de carburants alternatifs. Un carburant de synthèse peut être fabriqué à partir de charbon, de gaz naturel liquéfié ou encore de biomasse végétale.
Parler de carburant de synthèse n’est donc pas totalement adapté car trop large, il vaudrait mieux lui préférer le terme d’« électro-carburant ». Le carburant de synthèse autorisé par l’Union européenne est un carburant neutre en CO2, qui n’inclut donc pas ceux fabriqués à partir de charbon ou de gaz naturel liquéfié.
Un carburant polluant
Mais l’e-fuel est loin d’être « climatiquement neutre », comme le promettent ses soutiens, au premier rang desquels l’E-fuel Alliance, dont font partie la société pétrogazière américaine ExxonMobil et l’équipementier automobile allemand Bosch.
Selon le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), lors de leur fabrication, l’empreinte carbone des e-carburants serait plus faible « d’au moins 70 % par rapport aux carburants pétroliers ». Certes, la fabrication du carburant est moins polluante, mais son utilisation l’est.
D’après , les émissions de CO2 des véhicules électriques sont inférieures de 53 % à celles des e-fuels. D’autres tests, effectués par l’organisme de recherche IFP Energies nouvelles, montrent par ailleurs que les e-fuels ne sont pas neutres vis-à-vis de la pollution de l’air : « Bien que les émissions de particules soient considérablement réduites lors du passage au carburant de synthèse, plus de 2 milliards de particules sont encore émises pour chaque km parcouru. »
Dans certains cas, l’e-carburant pourrait même s’avérer plus dangereux pour la santé et l’environnement qu’une essence E10 classique. Il émettrait autant d’oxyde d’azote, trois fois plus de monoxyde de carbone, et deux fois plus d’ammoniac.
Un coût énergétique et économique élevé
Mais avant même de polluer, l’e-fuel pourrait se heurter à un autre mur. Transport & Environment a calculé que seules 2 % des voitures européennes pourront rouler au carburant de synthèse en 2035. Pour alimenter toutes les voitures, il faudrait que la production électrique européenne augmente de 50 % par rapport à 2017, tout en étant entièrement renouvelable, contre 15 % pour alimenter un parc composé de voitures électriques, selon les chiffres l’Union européenne.
Une voiture roulant à l’e-fuel a un rendement énergétique de 13 %, selon les calculs de Transport & Environment soit bien au-dessous des 73 % de l’électrique et même des 22 % de l’hydrogène. Un tel constat pose la question de la pertinence de l’utilisation de l’e-fuel par rapport au moteur électrique.
Autre point en sa défaveur, l’e-fuel est non seulement plus onéreux que l’électricité, mais aussi que l’essence classique. Et même si les 7 euros que coûte 1 litre d’électro-carburant aujourd’hui sont voués à diminuer, selon les prévisions des industriels du secteur, il s’achètera toujours entre 1 et 3 euros d’ici 2050.
Pourquoi, dès lors, l’Allemagne, appuyée par d’autres pays tels que l’Italie et la Bulgarie, a-t-elle autant poussé pour l’autorisation de ces carburants ? Les soutiens de l’e-fuel se comptent majoritairement dans le secteur des voitures de luxe, qui souhaite continuer à produire des moteurs thermiques et à les exporter, et a investi fortement dans le développement de ces carburants. C’est le cas d’Audi.
Il faut ajouter à cela l’importance du secteur automobile en Allemagne, qui représentait 11,4 % de son PIB en 2021 et 274 milliards d’euros d’exportation. Ses intérêts sont défendus par le parti libéral-démocrate (FDP), qui fait partie de la coalition gouvernementale aux côtés des sociaux-démocrates (SPD) d’Olaf Scholz et des Verts.
Une opportunité pour l’aviation et le transport maritime ?
En revanche, l’utilisation de carburants de synthèse pourrait être utile dans les transports de longue distance et lourds. Pour ces secteurs, passer à l’électrique signifierait changer tout le système d’approvisionnement et les moteurs. De plus, pour parcourir le même nombre de kilomètres, une batterie électrique devrait être beaucoup plus grosse qu’un réservoir.
Et, toujours selon les , l’e-fuel est une alternative préférable à la biomasse végétale en termes d’espace utilisé. Pour avoir suffisamment d’électricité bas carbone pour alimenter 50 % de l’aviation européenne en 2050, 8 millions d’hectares sont nécessaires, contre 33 millions d’hectares pour produire assez de biomasse végétale.
Le texte permettant de classer les véhicules roulant à l’e-fuel comme neutres en carbone au sein de l’Union devrait, a priori, être publié à l’automne 2024. Mais le véritable problème, c’est qu’ils sont aujourd’hui présentés par leurs promoteurs comme une alternative viable et globale pour la voiture, alors même qu’ils sont encore au stade du développement et que leur utilisation pourrait surtout s’avérer pertinente pour les modes de transports lourds et non-électrifiables que sont l’avion, le transport maritime et certains trains.
Author: Gabriela Rodriguez
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